Historique de la conservation
Le bassin de la Gironde constitue probablement depuis le début des années 70, le dernier sanctuaire de l'esturgeon européen. Les pêcheurs professionnels locaux, réunis au sein de l'ADES, ont à cette époque attiré l’attention des pouvoirs publics pour qu’une meilleure gestion de l’espèce soit prise en compte. Protégé intégralement en France depuis 1982, alors que les captures de géniteurs devenaient exceptionnelles, l'esturgeon européen fait depuis cette époque l'objet d'une attention des scientifiques pour comprendre sa biologie et tenter de maîtriser sa reproduction artificielle.
Afin d'évaluer l'état de la population girondine, un vaste programme de marquage a été conduit par le Cemagref avec l’aide de la pêcherie locale, entre 1982 et le début des années 1990. Ce travail s'est poursuivi jusqu’en 2003, dans le cadre notamment de deux programmes LIFE (1994 à 2001), avec l'appui du navire scientifique "l’Esturial". Ce programme de marquage-recapture s’est accompagné de campagnes d'information et de sensibilisation du monde maritime sur les côtes françaises devant contribuer à faciliter le retour des géniteurs sur les zones de frai. Cependant, compte tenu du niveau de fragilité atteint par la population et des multiples contraintes et inconnues qui accompagnent l'esturgeon au cours de son cycle biologique, ces efforts se sont avérés insuffisants pour stopper le déclin de l'espèce.
Des travaux de recherche ont été conduits, avant, pendant, et après les programmes LIFE, en bénéficiant des conseils de spécialistes étrangers et des possibilités d’expérimentation sur d’autres espèces d’esturgeon, pour développer des techniques de reproduction artificielle à partir de géniteurs sauvages, compte tenu de la rareté des reproductions naturelles. Cependant, le faible nombre de géniteurs et les difficultés d’élevage de larves n’ont par permis d’obtenir des larves viables avant 1995 malgré des succès reproductifs en 1981 et 1985.
L'esturgeon européen est considéré comme l'espèce de poisson la plus en danger en Europe, avec une seule et dernière population mondiale en Gironde. Pourquoi cette situation ? Les moyens n’étaient pas à la hauteur des enjeux, le territoire d’action insuffisant, tous les acteurs n’étaient pas mobilisés, la réglementation inégalement appliquée et respectée, tous les leviers n’étaient pas accessibles dans le seul cadre des programmes LIFE. Il fallait donc passer à l’étape supérieure, changer d’échelle, mobiliser le plus haut niveau de l’administration, obtenir des engagements nationaux et internationaux : faire émerger une véritable volonté politique à l'échelle de l’aire de répartition historique de l’esturgeon, avec un tournant à partir de 2005 grâce à une mobilisation élargie à de nouveaux partenaires en France et en Allemagne.
L'esturgeon est aujourd'hui au carrefour des préoccupations de politiques de conservation de la biodiversité et des milieux naturels aquatiques, de gestion de la qualité de la ressource en eau, et de gestion durable des ressources halieutiques. Il fait l'objet d'un plan de restauration européen depuis l’automne 2007 sous l’égide de la Convention de Berne.
La France a élaboré un plan d’action national dans le cadre de sa Stratégie Nationale pour la Biodiversité.
Le Plan National d'Actions s'appliquera de 2011 à 2015. En choérence avec le cadre de conservation et de restauration défini sous l'égide du Conseil de l'Europe, le plan national s'articule autour de 4 axes et 17 actions :
1- la conservation in situ de l'espèce : poursuite de l'information et de la sensibilisation du monde de la pêche, ainsi que optimisation de l'application de la police de la pêhce, en eau douce et en mer; contrôle de l'introduction dans le milieu naturel d'espèces d'esturgeons allochtones.
2- la protection des habitats estuariens et fluviaux et la libre circulation de l'espèce.
3- la conservation du stock de géniteurs ex-situ et l'élevage des juvéniles jusqu'aux stages nécessaires pour être aptes à être lâchés dans le milieu naturel.
4- la poursuite des efforts de recherche et la coopération internationale.
Ces réponses positives à une mobilisation de nombreux partenaires ainsi que les premiers succès des recherches en vue du soutien de la fragile population résiduelle ou de la création de nouvelles populations, marquent depuis quelques années un coup d’accélérateur dans la prise de conscience des pouvoirs publics. Celle-ci est encouragée par les succès consécutifs des reproductions artificielles suivies d'alevinages dans la Garonne et la Dordogne en 2007 et 2008. Mais l’esturgeon continuer à poser un formidable défi aux acteurs des politiques publiques, aux scientifiques, ONG, et pêcheurs pour le sauver : saurons-nous gagner collectivement cette difficile course contre la montre ?